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LA POUPÉE SANGLANTE

en quatre images qui, du haut du mur, lui adressait sans se lasser son redoutable sourire :

— Vous avez vu aujourd’hui, fit-elle avec effort, sa cinquième figure au moment où il va boire ma vie !… Dites-moi s’il ne vous a pas épouvantés !… Et maintenant il est parti… il est parti avec tout mon sang… et je vais mourir, car je n’ai plus peur de la mort !

» Oui, je me suis entendue avec Sangor, qui fait tout ce que l’on veut, pourvu que ce ne soit pas défendu par sa religion… quand je serai morte, il viendra, dans ma tombe, me couper la tête, et ainsi, il n’y aura pas de danger que je revienne, comme le monstre, boire le sang des vivants…

» Les vivants peuvent être tranquilles, bien tranquilles !

» C’est un fait !… C’est la seule manière qu’il a de me sauver de la vie et de la mort…

» Oh ! je suis bien heureuse ! je suis sûre de Sangor ! il me coupera la tête comme c’est ordonné dans le livre contre la résurrection !…

» Monsieur Bénédict Masson, vous avez lu mes livres !… Alors, vous savez bien qu’il faudra qu’on me coupe la tête !…

» Je suis sûre de Sangor… je lui ai donné un collier de perles magnifique !… »

Elle prononçait ces bouts de phrase comme si elle allait mourir après chaque mot…

Et moi, j’aurais bien voulu lui poser une question pendant qu’il en était temps encore

Je profitai d’un moment où elle se tut, la tête renversée, les paupières lourdes, la gorge tendue comme si elle s’offrait déjà au couteau de Sangor…

Je dis :

— Le marquis nous a conté que vous preniez