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LA POUPÉE SANGLANTE

paraît-il, la veille de Fornoue, le jour où il paya dix ducats la première tête française coupée par ses stradiots, et il baisa sur la bouche l’homme qui la lui apportait… Ce n’était pas un vampire, mais c’était tout de même un buveur de sang à sa manière !…

— Précisez votre pensée… me fit Christine d’une voix sourde, croyez-vous que nous ayons réellement surpris « notre marquis à nous » la veille de Fornoue ?

— Ce serait tellement formidable, que, justement, je n’ose préciser ma pensée…

» Il n’y avait peut-être là qu’une apparence », m’empressai-je d’ajouter.

— En tout cas, murmura-t-elle, si la veille de Fornoue, Gonzague croyait se repaître de notre sang, son attente a été bien déçue le lendemain…

— Oui ! quelqu’un est venu qui a troublé la fête…

— Mon impression également, acquiesça-t-elle, est que nous avons en effet dérangé tous ces gens-là !… Mais en supposant les choses au naturel, il ne faut pas nous étonner que le marquis ait été désagréablement surpris par notre arrivée…

Et si c’était vrai ?… fis-je.

— Quoi ? si c’était vrai ?… quoi, si c’était vrai ? répéta-t-elle.

— Oui ! laissons toutes les autres histoires de côté ! Il n’est pas besoin d’avoir vécu deux cents ans pour avoir des instincts de bête fauve !…

— Alors vous croyez ?… vous pouvez croire ?…

— Écoutez, Christine, vous rappelez-vous que Sangor, lorsqu’il est arrivé la première fois dans la chambre, apportait un flacon ?

— Oui, un flacon contenant du citrate de soude ? il me semble ?

— C’est bien cela !