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LA POUPÉE SANGLANTE

faire un cœur chirurgical, pendant une opération d’où dépendait la vie de celui qu’elle aimait ; et elle avait assisté à cette tragédie du scalpel et des pinces de feu, en professionnelle.

Ah ! c’est « une nature » fortement équilibrée.

Une femme, comme on dit aujourd’hui, dans l’argot de Paname, « bien balancée », moi je parle au point de vue moral comme au point de vue physique !

Et je suis sûr qu’elle se tirera « avec le sourire » de cette aventure qui aurait pu n’être qu’un assassinat !

Gabriel sera aimé, Jacques sera marié, le vieux Norbert, heureux entre sa fille et les deux hommes qui assureront le bonheur de cette charmante enfant, retournera tranquillement à ses roues carrées.

Et moi !… et moi !…

Moi, me voici sur la piste de l’homme aux bras rouges et au cou de taureau qui vient de sortir.

Peut-être, par lui, saurai-je enfin qui est Gabriel !

Il a remporté cette espèce de boîte gainée de cuir d’une couleur indéfinissable que je lui avais déjà vue sous le bras à sa première apparition.

Il remonta vers la cité et j’attendis qu’il eût traversé le pont pour le franchir à mon tour. Main tenant il passe devant la Morgue, toujours la tête penchée, avec son air peureux, honteux et de son pas lourd et solide.

La nuit est belle ; il y a des familles qui se promènent autour du square Notre-Dame.

Il traverse la Seine, enfile le boyau noir de la rue des Bernardins, débouche sur le boulevard Saint-Germain, glisse le long des murs de Saint-Nicolas-du-Chardonnet et tourne à gauche dans la rue Saint-Victor.