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LA POUPÉE SANGLANTE

rieur, il se complaisait à tenir registre des moindres événements d’une existence qui, apparemment, semblait s’être déroulée, jusqu’au jour où nous sommes arrivés — Bénédict Masson pouvait avoir dans les trente-cinq ans — dans la plus terne monotonie. Je souligne le mot apparemment parce qu’il s’est trouvé des gens pour prétendre que ces sortes de Mémoires, tracés au jour le jour, avaient été rédigés dans un but des plus intéressés, ne relatant que ce qui pouvait faire croire à l’innocence d’un monstre qui vivait dans la crainte perpétuelle que l’on ne découvrît ses crimes. Ceux qui ont prétendu cela avaient bien des excuses et peut-être même bien des raisons, mais avaient-ils raison ? C’est ce que nous verrons un jour.

Pour moi, j’ai toujours été frappé de l’accent de sincérité qui se trouve dans les Mémoires de Bénédict Masson, même et surtout, dans leurs passages les plus désordonnés.

À la date qui nous occupe, nous sommes fin mai. La journée avait été chaude ; le printemps, cette année-là, était l’un des plus précoces qu’on eût vus depuis longtemps à Paris.

Il est neuf heures du soir ; dans ce coin de rue déserte, noyée d’ombre, le dernier bruit qui s’est fait entendre a été le timbre de la porte du magasin de Mlle Barescat, mercière, qu’elle fermait elle-même après avoir mis le volet…

De la lumière encore à deux vitres, celle du relieur et celle de l’horloger…

La boutique de Bénédict Masson faisait face, ou à peu près, à celle du vieux Norbert que l’on ne voyait guère sortir que le dimanche pour aller à l’office à Saint-Louis-en-l’Île, avec sa fille et son neveu.

Le reste du temps, il restait caché derrière ses