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LA MACHINE À ASSASSINER
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« Au moment où je m’y attends le moins, où je m’assoupis dans une torpeur animale, tout à coup, elle vient frapper mes oreilles et me remplir d’un nouvel effroi.

« Il le sait ! certes, il le sait ! et je sais, moi, ce qu’il veut dire quand il agite ses clefs dont le bruit le précède dans l’escalier, comme un rire démoniaque !…

« Oui, oui !… j’ai parlé de la danse des clefs, mais c’est de leur rire, de leur éclat de rire qu’il faut avoir peur !…

« Elles remplacent le rire effroyable qu’il ne peut pas avoir, mais qu’il aurait sûrement s’il pouvait rire après être descendu, d’un coup d’œil, d’un seul coup d’œil, au fond de son gouffre intérieur !…

« Elles semblent me dire : « Toi aussi, tu sais ce qu’il y a au fond de ce gouffre-là !… Tu n’ignores rien de ma mécanique… » Et elles paraissent éclater de rire !…

« Et elles repartent, elles redescendent… elles s’éloignent… ce n’est plus qu’un lamentable petit tintinnabulement de rien du tout !…

« Aujourd’hui, ses yeux sont plus tristes que jamais, ses gestes sont calmes et lents, son attitude est tout à fait accablée… Il me semble bien lent à se mouvoir… et j’espère !… j’espère !…

« Ah ! avoir tant attendu son premier geste !… Voilà maintenant que je n’ai plus qu’un espoir… qu’il retourne à son néant ! Tu te rappelles ce que tu disais, Jacques… ce que « tu craignais » alors ?… que la suture se fît trop vite !… Parce que, après les premières réactions, tu entrevoyais (comme conséquence) une trop rapide dépression… Seigneur ! faites que ce ne soit pas une illusion !… Il se ralentit ! Il se ralentit !