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LA MACHINE À ASSASSINER
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la tempête de sang qui m’a emportée, m’a roulée jusque-là et fera de moi quelque chose qui ressemblera à la petite Annie !

« … Il sort !… il va chercher ma nourriture… Il est triste parce que je ne mange pas… ou si peu !… Quelquefois je l’aperçois (par l’interstice des persiennes) qui quitte la maison (ce qui lui arrive ordinairement entre cinq et six heures du soir, alors que la nuit est déjà complète}… Il va sans doute aux provisions… J’attends dix minutes et puis je me mets à crier comme une folle, dans l’espérance que l’on m’entendra…

« Mais qui m’entendrait ?…

« Personne n’ose plus passer par là quand tombe le soir… Ah ! nous sommes bien gardés par la peur !…

« … J’ai encore entendu aujourd’hui le bruit de l’engrenage d’horloge… toujours suivi de cette effarante danse des clefs et de l’affreux claquement de son volet !… (tu sais ce que je veux dire, Jacques ?)… Alors je suis renseignée… je sais que son regard est descendu au fond du gouffre intérieur.

« Quand il remonte de là, après avoir vu ce qu’il a vu par son volet, j’ai toujours peur que ce soit la fin pour moi !

« Mais peut-être redoute-t-il cela, lui aussi, car enfin cet homme m’a aimée d’un cœur sauvage… et il n’est pas entré. Il m’a fait entendre seulement la danse des petites clefs derrière ma porte et il s’est enfui !…

« Je te disais qu’il était au courant de bien des choses : je reste, en effet, persuadée que, lors de la dernière et