Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
86
GASTON LEROUX

« … pour en faire un sujet d’expérience vivant !

« Oui, ceci est un crime, ton crime, Jacques, et aussi le nôtre ; mais nous en serons châtiés et avant longtemps.

« J’ai lu cela dans ses yeux, comme dans un livre !

« Lui qui m’adorait, il n’a plus que de la haine pour moi dans ses yeux.

« Et aussi, la ferme volonté de m’entraîner avec lui, dans une catastrophe d’où cette fois il ne reviendra pas ! et d’où on ne le fera pas revenir !

« Ses yeux me brûlent ; son masque immobile, que j’ai fabriqué de mes propres mains pour qu’il soit plus beau, m’épouvante, comme m’épouvanterait une figure de géhenne, sculptée dans le marbre du tombeau, dont les lourdes paupières se soulèveraient tout à coup pour me fixer d’un regard qui consume.

« Ses beaux sourcils sont deux arcs redoutables dont les flèches font saigner mon cœur.

« Je n’ai pas la force de réagir !… Je ne sais quelle langueur fatale coule dans mes veines… Je me laisse tomber au fond de mon destin comme au creux d’un abîme dont je ne rencontrerai jamais le fond !… Et cela est terrible et doux !… Je me sens épuisée comme cette pauvre Bessie, dont un monstre aspirait la vie, mais je n’ai pas la force, comme elle, d’appeler au secours !…

« Jacques, je te confie ma dernière pensée : Je ne demande qu’à mourir depuis que tu as mis dans la poupée de mon rêve une âme d’assassin !…

« Ma poupée ! ma poupée !… j’avais mis en toi mon souffle, ma raison et mon âme !

« Et toi, Jacques, qu’y as-tu mis ?…

« Tu y as mis ma mort !…

« Qu’importe !… Je pense à cette mère imaginée par