Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA MACHINE À ASSASSINER
57

« Je me relevai si stupéfait, si anéanti que je n’avais plus de force pour crier.

« Comme il faisait très froid, et que je suis très frileux, et que je crains par-dessus tout les fluxions de poitrine et les rhumes de cerveau, la première chose que je fis fut de m’envelopper dans la cape de cet énergumène, de mettre son chapeau sur ma tête. Puis je me dirigeai en chancelant vers l’église. J’y rentrai et je n’y vis personne. J’eus l’idée alors qu’il ne fallait pas perdre une minute pour prévenir la police. J’ai le téléphone chez moi. Je courus chez moi. J’ouvris ma porte ! Je ne l’avais pas plutôt ouverte que j’étais à nouveau bousculé, jeté par terre. J’ai bien cru que mon bandit était revenu et que, cette fois, je n’en réchapperais pas !… Je recommandai mon âme à Dieu et vous connaissez la suite, messieurs !

— Monsieur Lavieuville, dit l’horloger d’une voix sourde, frémissante de douleur, vous êtes à plaindre, car vous avez été molesté et volé. Mais nous sommes plus à plaindre que vous ! L’homme qui vous a fait cette injure est un pauvre fou, un parent que mon neveu et moi soignions à domicile… ajouta-t-il en rougissant comme un enfant menteur… Il a malheureusement conçu pour ma fille, qui est fiancée à M. Jacques Cotentin, une passion qui a fait dégénérer sa maladie en folie furieuse…

« Profitant d’un moment où notre surveillance s’était ralentie, il nous a échappé, s’est emparé de ma pauvre Christine qu’il a brutalisée comme un sauvage, la heurtant à tout ce qui lui faisait obstacle… Mon neveu et moi en entendant les cris que poussait ma fille, nous nous précipitâmes… hélas ! il avait déjà traversé le jardin, le magasin, ramassant sur une table un browning que j’avais laissé là pour le réparer… il était déjà loin dans la rue quand nous parûmes sur le seuil… la nuit, l’obscurité, le vent, la neige, la tempête nous séparaient… il disparut avec sa proie… Depuis des heures nous le cherchions