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GASTON LEROUX

pouvait rien lui reprocher… C’est tout juste s’il se permettait de se faire rembourser le plus décemment possible l’entretien d’une pauvre petite auto à conduite intérieure (il conduisait lui-même et redoutait le grand air) qui lui était nécessaire pour ses tournées à Paris et dans la banlieue.

Son avarice était, à ce point de vue, tout à fait spéciale !… Pourvu qu’il maniât des fonds, fût-ce ceux des autres, il était le plus heureux des hommes. Il préférait même que ce fût l’argent des autres, à cause qu’un maniement de fonds présente toujours certains dangers.

Palper de gros billets lui causait des joies infinies. Il en avait toujours sur lui dans son portefeuille, qu’il ne quittait pas. Son plus grand plaisir était de se présenter chez de pauvres gens auxquels il faisait étaler leur détresse ; après quoi, il étalait, lui, ses billets et leur disait :

— Regardez, voilà 15.000 francs ! Avec cela, — je suis plus malheureux que vous. Il m’en faudrait dix fois autant pour soulager les misères sur lesquelles je me penche chaque jour !

Et il repartait en leur laissant une obole… On lui disait : « Vous vous ferez voler ! », il répondait : « Dieu protège l’argent de la charité ! » En attendant, comme il ne comptait que sur lui pour protéger le sien, il ne sortait pas !

Tous ces détails étaient nécessaires pour que le lecteur ne fût point trop surpris par l’aventure survenue, en l’Île-Saint-Louis, à six heures et demie du matin, à M. Lavieuville, marguillier.

C’était le matin même qui succédait à cette nuit funeste où nous avons vu le courageux M. Birouste aux prises avec le terrible Gabriel… Depuis qu’ils avaient quitté l’herboriste, après avoir constaté que Gabriel avait fui sa demeure en emportant Christine, le vieux Norbert et son neveu n’avaient point cessé leurs recherches.