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LA MACHINE À ASSASSINER
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un supplice pour un homme qui, comme moi, sait apprécier les belles choses, c’était un supplice que de se dire qu’on avait mis dans un corps pareil… enfin qu’on avait mis…

— Bien !… Bien !… compris !… avait interrompu le commissaire… et passons !… alors, qu’est-ce qu’il a fait votre Apollon du Belvédère ?

— Qu’est-ce qu’il a fait ?… eh bien ! il ne se fatiguait pas de se regarder !… sûr, il avait l’air de bien se plaire comme ça !… sans compter, monsieur le commissaire, que si ça pouvait être vrai que, par hasard, cet homme-là, qui était si beau, se regardait avec des yeux et surtout avec un cerveau…

— Oui ! oui ! ça va !… je vois où vous voulez en venir.

— Dame ! Ce Bénédict Masson était très laid, vous savez !…

— Monsieur Birouste, je ne vous demande pas tout ça !… Ce que vous pensez ou ce que vous ne pensez pas m’est absolument indifférent !… je vous demande ce que cet homme, que vous appelez Gabriel, a fait…

— Eh bien ! je vous le dis, il se regardait dans l’armoire à glace… Il avait pris la petite lampe dans sa main… et il s’examinait de haut en bas… Il se tournait, se retournait… Une femme qui met pour la première fois une toilette de gala ne « se détaille » pas avec plus de soin ni de complaisance avant d’aller faire son petit effet dans le monde, que cet homme-là en se regardant la peau !… Et il se passait la main dans les cheveux !… et il s’approchait le visage de la glace… plus près… encore plus près !… Il se touchait les joues, le menton, le nez, la bouche et les oreilles… Il trouvait qu’il avait de belles dents !… Il pouvait !… Enfin, je ne peux pas mieux vous dire, moi !… il se z’yeutait !…

— Enfin, ça n’a pas duré tout le temps !…

— Non, mais ça a bien duré un quart d’heure. Tout à coup…