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GASTON LEROUX

d’une jeune fille !… Et quel corps que celui-là !… Assurément, les statues du Louvre ne présentent rien de plus beau ni de plus parfait !… Tenez, monsieur le commissaire, vous êtes bien allé quelquefois au Louvre !… Vous ne vivez pas toujours avec les assassins… pas plus que moi avec mes herbes… On aime à s’instruire… Vous avez certainement parcouru les salles des Antiques… et vous avez vu Achille, Achille aux pieds légers, comme on disait de mon temps… Ça, c’est de l’art !… Ça, ce n’est pas du cubisme, oh non !… Il paraît que cette statue-là, par la régularité de ses formes, par l’accord de ses membres, si j’ose m’exprimer ainsi, pourrait servir comme qui dirait de règle métrique pour les belles proportions du corps humain !… Eh bien, Achille, monsieur le commissaire, Achille m’a paru de la gnognote… de la pure gnognote à côté de Gabriel…

« Les Bacchus, les Mercures et « tutti quanti »… de vrais avortons à côté de Gabriel…

« Je vous le dis comme je le pense !… Moi, je ne suis pas un artiste, mais tout de même il n’y a aucune raison au monde pour qu’un herboriste ne soit pas, comme le premier homme venu, sensible à la beauté !…

« Il y a bien l’Apollon du Belvédère ! ça, je ne dis pas ! d’autant que les cheveux de Gabriel (il avait ôté son chapeau naturellement) me semblaient, à peu près, noués comme les siens avec cette volute sur le front qui rappelle le chignon des femmes… Oui, l’Apollon du Belvédère, c’est encore celui-là qui se rapproche le plus de Gabriel !… et encore, il a trop de côtes !… on voit encore trop son anatomie !… Gabriel était, comment dirais-je ? plus enveloppé, il était aussi fort, mais plus gracieux.

— Je vois ce que c’est, avait interrompu le commissaire, disons tout de suite que c’était un Canova !…

— Un Canova si vous voulez ! je n’en ai jamais vu de Canova… et je n’aime pas la sculpture contemporaine !… mais vous m’avouerez tout de même que c’était