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LA MACHINE À ASSASSINER
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… Horreur ! il y trouva Gabriel qui l’attendait et Christine étendue sur son lit…

La jeune fille semblait aller un peu mieux…

Cependant elle paraissait encore incapable de remuer, soit faiblesse, soit terreur et peut-être à cause de ces deux choses à la fois. Ses beaux yeux entr’ouverts regardaient M. Birouste avec un air où se réunissaient la supplication la plus ardente, l’invocation la plus humble, la plus touchante et aussi la plus désespérée oraison. Ses yeux exprimaient : « Au secours ! par pitié, monsieur Birouste 1 Vous voyez bien que, si vous m’abandonnez, je suis morte ! »

Hélas ! M. Birouste ne valait guère mieux que la pauvre Christine et, s’il avait osé appeler « Au secours ! », c’eût été d’abord pour lui-même.

Le terrible Gabriel n’avait pas quitté son revolver, et son regard restait foudroyant. C’était plus qu’il en fallait pour un herboriste qui se croyait à jamais débarrassé de la présence de ce redoutable personnage et qui le retrouvait dans sa propre chambre, continuant à prodiguer à sa victime ses soins tardifs, sur son propre lit.

Comment cet événement s’était-il produit ?… Si M. Birouste, au lieu de revenir chez lui par la rue, était rentré dans sa maison par les derrières, c’est-à-dire par le cul-de-sac au fond duquel se trouvaient la demeure de Mlle Barescat et la sienne, il eût trouvé la porte de sa petite cuisine démolie, ce qui n’avait certainement point nécessité un puissant effort de la part d’un gars qui, tel Gabriel, portait sur son bras une demoiselle comme si elle ne pesait pas plus que la dentelle de son peignoir… et ainsi M. Birouste eût-il été préparé à rencontrer chez lui des intrus dont la présence lui était particulièrement désagréable !…

Le vieux Norbert et Jacques avaient raison en comptant sur la difficulté à laquelle se heurtait Gabriel pour sortir