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LA MACHINE À ASSASSINER
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mystère noir) n’avait momentanément momifié Mlle Barescat et ses invités depuis qu’ils avaient lu le papier que Gabriel leur avait passé sous le nez.

Ces quatre statues surgissaient de l’ombre au milieu d’un désordre inexprimable auquel se heurtaient les pas chancelants du vieil horloger et de son neveu et que ceux-ci purent mesurer complètement quand Jacques Cotentin eut tourné le commutateur électrique…

Certes ! Gabriel avait passé par là ! La première trace de son passage n’était-ce point cet anéantissement, cette abolition des sens chez les quatre premiers individus avec lesquels il s’était trouvé en contact depuis qu’il s’était échappé de sa cage ? Puis venait l’incroyable bouleversement de cette pauvre petite boutique… quelle tornade eût mieux fait que Gabriel dans un aussi petit espace ?… et enfin… du sang !… du sang sur le comptoir !… du sang sur les précieuses dentelles de Mlle Barescat !… du sang sur les murs !… le sang de Christine !…

Ah ! ils essayèrent de réveiller ces momies !… de les faire parler !… mais rien !… rien !… Ils avaient beau les bousculer… elles continuaient de les regarder en silence

— Où est-il passé ?… où est-il passé ?…

— Ma fille !… où est ma fille ?… mais dites-moi donc ce qu’il a fait de ma fille !…

Ils se ruèrent dans l’arrière-boutique… Personne !… mais une porte ouverte sur une petite cour arrière… et dans cette petite cour, une autre porte !… ses pas !… ses pas sur la neige !… et les voilà dans une impasse qui conduit, là-bas, par un détour entre de hauts murs jusqu’aux quais… Ils s’élancèrent vers les quais…

Alors, alors seulement… quand elles comprirent bien que Gabriel n’était plus là… qu’il n’y avait plus de doute sur sa fuite… et qu’il avait repris sa course en emportant sa victime, dans la nuit et dans le mystère