Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
30
GASTON LEROUX

La tempête de vent et de neige qui s’était élevée commençait à s’apaiser. On entendit soudain un bruit de pas qui se rapprochait rapidement et aussi des voix dans la rue…

Gabriel, toujours muet (il n’avait pas encore prononcé un mot), se retourna vers Mlle Barescat et ses invités qui, les mains en l’air, semblaient figés par l’épouvante dans une attitude de supplication et de tragique ahurissement, leur lança un coup d’œil effroyable, fouilla dans sa poche, en tira un petit carnet et un stylo, écrivit quelques mots, arracha la feuille — tout cela en moins de temps qu’il ne faut pour le dire — et la fit passer sous les yeux des trois pauvres femmes qu’un même sentiment d’horreur avait collées en quelque sorte les unes contre les autres. Elles n’eurent point plus tôt jeté les yeux sur le mot du papier qu’il leur tendait qu’elles poussaient en même temps un cri à faire frissonner les cœurs les plus solides, cri vite étouffé par la vision du bondissement singulier de Gabriel, lequel semblait mû comme par un ressort et qui avait ressaisi son revolver dont il les menaçait à nouveau !…

M. Birouste, pour être dérangé le moins possible et pour mieux veiller sans doute à la sécurité de ces dames en ces tragiques conjectures où il fallait en outre de la décision, s’était enfermé derrière le comptoir comme un capitaine de vaisseau sur sa dunette, à l’heure du péril… De cet endroit qu’il avait choisi comme poste de combat, il n’avait pu encore rien lire. Gabriel, qui ne l’avait pas oublié, lui jeta son petit papier et ce fut au tour de l’herboriste de commencer un cri qu’il n’acheva point pour le même motif que nous avons dit précédemment…

Pendant ce temps, les pas et les voix s’étaient encore rapprochés…

Gabriel avait repris Christine sur son bras et, tourné vers la porte, revolver au poing, il attendait les événements dans une posture redoutable.