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LA MACHINE À ASSASSINER
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et ma laine de Hambourg et la petite laine Saint-Pierre !… ah ! j’en aurais pleuré… j’aurais voulu l’étrangler ! mais sitôt que je remuais tant soit peu… j’entendais M. Birouste qui criait : « Haut les mains, n… de D… !… » sauf votre respect, monsieur le commissaire… et tout ça, tout ça pour arriver à ma mousseline blanche qui a paru faire l’affaire de Gabriel et avec laquelle il a pansé la pauvre demoiselle ; mais moi, qui est-ce qui me rendra mon shirting et mon madapolam ? Ce sera-t-il vous, monsieur le commissaire ?

Quant à Mme Camus, la loueuse de chaises, voici quels furent ses premiers mots :

Il était terrible, mais qu’il était beau ! J’en ai vu de beaux hommes, monsieur le commissaire, je sais ce que c’est, allez ! je n’ai pas toujours été loueuse de chaises chez les curés. Telle que vous me voyez, moi, monsieur le commissaire, j’ai été demoiselle de comptoir dans un temps où, dans mon commerce, la demoiselle de comptoir, c’était tout ! je vous prie de croire qu’on les choisissait les moins moches possible… J’en ai reçu des billets parfumés et j’en ai vu défiler des « gants jaunes » : c’est comme ça qu’on les appelait de mon temps, qui a connu de beaux hommes… Mais un aussi beau que celui-là, ma foi, non, je n’en ai jamais rencontré !

« Et il fallait qu’il le soit pour que je le remarque dans un moment pareil où nous pensions tout que c’était fini de nous, tant il avait l’air brutal !… ça n’est certainement pas M. Birouste qui nous aurait sauvés de là pour sûr ! je vous jure qu’il avait lâché ses grands airs, mossieu l’herboriste ! Il ne crânait plus, allez !… Il grelottait derrière le comptoir, et s’époumonait à nous crier : « Haut les mains ! N… de D… ! » Tel que je vous le dis… je crois bien que si nous les avions baissées, les mains, il aurait pris le revolver que Gabriel avait posé à côté de lui et il nous aurait tiré dessus !…

« Un homme, ça ? qui fait de l’épate parce qu’il est herboriste !… C’est fini entre nous ! je ne lui achèterai