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GASTON LEROUX

jours plus tard et à leur corps défendant, de l’événement sensationnel qui entra dans cette boutique comme porté par la tempête.

Disons tout de suite que cet événement était « un événement », mais quel événement !

D’abord Mme Langlois :

— Je vais tout vous dire, monsieur le commissaire… Faut jamais faire un vœu ni un souhait, parce que, c’est comme dans la fable, ça peut vous sauter au nez !… Mlle Barescat, qui nous avait priées à sa camomille, venait à peine de dire : « Je voudrais bien le voir de près, votre Gabriel… » que le voilà justement qui entre, comme un démon de là tempête, tout couvert de sang avec ça… et portant Mlle Norbert, la demoiselle de l’horloger, évanouie sur son bras comme si elle ne pesait pas plus qu’un fichu de dentelle… à elle aussi le sang lui coulait de la figure… Nous avons tous poussé un cri comme vous pensez bien !… un cri horrible ! Moi, j’ai crié : « C’est lui, Gabriel !… »

« Ah ! Seigneur !… je vivrais cent ans !… Nous étions comme des statues de la terreur, quoi ! devant une invasion pareille !… Cette neige, ce sang !… et cet homme qui nous menaçait de son revolver !… La première fois que j’avais vu cet homme-là chez l’horloger, il m’avait paru beau ! mais maintenant je ne pourrais plus dire ! Je ne vois plus que ses yeux qui étaient épouvantables !… des yeux d’assassin !… oui… Vous me protégerez !… j’ai confiance !… j’ai confiance dans la justice de mon pays !… Ah ! ça oui !… pour des yeux d’assassin, c’étaient des yeux d’assassin !… quand il me regardait, je croyais que j’étais assassinée !… je vivrais cent ans ! je l’ai déjà dit !… je me répète !… Faut me pardonner… ma pauvre tête !…

« Ce qu’il a fait ?… Il a commencé par fermer la porte derrière lui d’un coup de talon… Aïe donc !… à la défoncer !… puis il a poussé le verrou !… Ah ! je vivrais