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GASTON LEROUX

vraiment un pur esprit ! Ah ! misère ! Cette vie ne saurait durer !… Ton Jacques m’a imposé le plus farouche des supplices !… »

Enfin, ces dernières lignes : « Non, il n’y a pas de plus grande douleur au monde que d’être un pur esprit !… La religion chrétienne a compris cela qui a mis au premier rang de ses dogmes : la résurrection de la chair !… Oui, Christine ! voilà le paradis !… renaître en chair et en os pour cueillir ton baiser éphémère dans lequel tu aurais mis l’éternité !… Mais l’éternité sans ce baiser-là je n’en veux pas !… Adieu, mon adorée !… »

Deux ans plus tard, on ne parlait de la poupée sanglante (quand on en parlait encore…) et de « l’épidémie de la piqûre », et de la pseudo-résurrection de Bénédict Masson, et des Thugs et de leurs petits trocards, que comme d’un cauchemar qui avait secoué Paris à une époque où les esprits avaient perdu tout équilibre — maladie à laquelle la police d’État n’avait pas été étrangère… Jacques et Christine étaient mariés. Le prosecteur s’était établi à Peïra-Cava, comme le plus humble des médecins de campagne sous le nom de sa mère : de Beigneville.

Mme de Beigneville eut trois beaux enfants et aucun d’eux ne s’appelait Gabriel…

Mais Gabriel vivait toujours au fond du cœur de Christine et attendait au fond de son armoire…

Elle n’avait pas voulu s’en séparer… Jacques lui avait laissé les restes de la géniale mécanique ; et le fameux cerveau de Bénédict Masson était conservé à part dans un bocal ad hoc.

Mme de Beigneville était douce et bonne et la plus simple des femmes… Sa seule distraction en dehors de ses enfants était, quand elle était seule, d’ouvrir son armoire secrète et de travailler à la réfection de Gabriel…

Elle était arrivée à le remettre en état d’une façon fort appréciable… La circulation ne laissait plus rien à