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GASTON LEROUX

Il reconnut des bouts des fameuses roues carrées qui avaient tant intrigué le quartier et les restes du fameux système à mouvement perpétuel que les habitants de l’Île-Saint-Louis ne se rappelaient point avoir jamais vu remonter…

Au milieu de toutes ces ruines, le vieux Norbert, assis à son établi, sa loupe à l’arcade sourcilière, calme, avec des gestes las et précis, raccommodait une grosse montre de camionneur.

Il ne parut point autrement étonné de voir son neveu. Il lui dit : « Ah ! c’est toi !… Tiens, il y a depuis quelques jours ici une dépêche pour toi. Je ne savais où te la faire parvenir. Je l’ai lue… ça m’a l’air assez pressé ! »

Jacques se jeta sur la dépêche. Elle lui était adressée. Elle venait de Peïra-Cava. Elle était signée Christine. Il lut : « Arrive vite, nous avons bien besoin de toi tous les deux ! »

Il voulut parler au vieux. Mais l’autre lui ferma la bouche :

— Arrange-toi ! tout cela ne me regarde plus !

Le jour même, il partait pour le Midi. Le lendemain, il était à Peïra-Cava vers les quatre heures de l’après-midi. En descendant de son car, il aperçut une jeune femme en deuil qui avait les yeux rouges. C’était Christine.

— Tu arrives trop tard ! fit-elle, il est mort !…

Il lui prit le bras ; il la soutenait. Ainsi firent-ils le chemin qui conduisait au petit pavillon de la forêt de Maïrise, appuyés l’un contre l’autre, dans une incommensurable détresse, Christine pleurant Gabriel… et Jacques pleurant sur Christine que l’autre semblait lui avoir prise pour toujours, même maintenant qu’il était détruit !…

— Pardonne-moi, Jacques, mais on ne saura jamais ce qu’a été Gabriel, ni ce qu’il aurait pu être, s’il