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GASTON LEROUX

menottes, étendue sur le dos et dont les yeux grands ouverts, semblaient jeter feu et flamme !

Tous la considéraient maintenant en silence, penchés sur le phénomène et n’osant y toucher… Après quelques secondes de ce spectacle exceptionnel qui lui faisait bondir le cœur, M. Bessières se précipita à son bureau, décrocha l’appareil téléphonique et demanda la communication avec le chef du cabinet particulier du ministre.

— Allô ! allô ! c’est vous, monsieur Tristan ? Je désirerais dire un mot à M. le président… Vous dites ?… Ces messieurs sont au conseil ? Écoutez, voici de quoi il s’agit. J’ai arrêté la poupée !… Hein !… Parfaitement ! la poupée… Oui, la poupée sanglante ! On me l’a apportée dans mon cabinet !… Vous dites ?… Ça vaut la peine, n’est-ce pas ?… Oui ! allez trouver M. le Premier ! J’attends à l’appareil.

Il attendit trois minutes ; la porte s’ouvrit et le chef du cabinet particulier se précipita :

— Le ministre arrive ! Il veut voir lui-même ! Oh ! très curieux… Quelle drôle de bête !… Mais vous ne pouvez pas la laisser comme ça par terre ! M. le premier va l’interroger. Redressez-la un peu !

— Très dangereux ! fit entendre la voix rogue de M. Lebouc, qui n’était point content du tout que son nom n’eût pas encore été prononcé.

— Quoi ! très dangereux ! Voilà un bonhomme d’automate qui est ficelé comme un saucisson d’Arles ! Nous sommes dix ici !… et vous avez peur !

— Ce n’est pas que j’aie peur, déclara M. Lebouc dans un grognement des plus déplaisants, mais permettez-moi de vous dire…

— Assez ! Taisez-vous, Lebouc ! ordonna M. Bessières. M. le chef de cabinet a raison. Le prisonnier ne