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GASTON LEROUX

rien de terrible pour un âne… surtout quand cet âne se double d’un bouc ! fit Le bouc qui prenait sa revanche !

— Enfin vous ne l’avez pas arrêtée à vous tout seul ?

— À moi tout seul, monsieur le directeur !… et de la façon la plus simple du monde !… Je rôdais autour des murs des Deux Colombes quand j’ai vu un singulier individu s’en approcher… Il prenait toutes sortes de précautions et avait une façon tout à fait particulière d’allonger le pas, sur un certain rythme, un pas dansant qui excita au plus haut point ma curiosité… Soudain, il tourna la tête… je vis bien son profil, son masque tel qu’on l’a décrit, où il n’y a de vraiment vivant que les yeux… Enfin, il faut vous dire que depuis des jours et des jours, je ne pense plus qu’à la poupée !… Un secret instinct me cria : « C’est elle !… Elle vient rejoindre ses complices aux Deux Colombes !… » Je n’ignorais rien de ce qu’on avait raconté d’elle… de sa force extraordinaire… de ses poings mécaniques qui vous frappaient comme des catapultes !… Je me dis : il faut la surprendre… l’étourdir ou la démolir… la mettre d’un coup, en état d’infériorité absolue, et elle va se briser comme une paille !…

« Alors je me suis souvenu qu’avant de m’engager dans l’honorable administration policière, j’avais été quelque peu mauvais garçon et bien connu, ma foi, pour mes coups de tête ! Quand je parle de « coups de tête », monsieur le directeur, je ne parle pas au figuré, mais bien au physique… c’est ce que nous appelions alors dans la partie le coup de bélier, ou encore le coup de Garibaldi !… Je me suis demandé même à un moment si je n’allais pas lui faire bouffer de la tête de cochon (c’est comme ça que nous appelions le coup de tête dans la figure)… mais je me suis arrêté au coup de tête dans le ventre, et je m’en suis bien trouvé !… Ah ! pour ça ! je l’ai bien dogué !

« J’avais pris mon élan !… je suis arrivé sur lui comme