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GASTON LEROUX

— Des génies ! dites : des dentistes !…

— Il y a des dentistes de génie !

Il s’assied, satisfait, au milieu d’une nouvelle tempête.

M. le doyen Ditte se lève !

— Messieurs, n’oublions pas que le monde nous regarde !

— Je vous rappelle à la question, supplie le président Tirardel en s’affalant dans son auguste barbe qui le fait ressembler si avantageusement au chancelier d’Aguesseau. Mais aujourd’hui on n’a plus le respect de rien ! La science elle-même, par ses révélations inattendues, se moque des savants !… pense-t-il. L’anarchie partout !… Ce qui était vrai au temps de sa jeunesse devient une ânerie au temps de sa barbe blanche !

M. le président Tirardel murmure héroïquement :

— J’ai trop vécu !

Cependant il fait fermer une fenêtre d’où lui vient un courant d’air. Il admire, d’une paupière lourde, M. le doyen Ditte qui déchiquette d’une dent rageuse la communication à la presse du professeur Thuillier…

Les interruptions des « jeunes » — les jeunes de l’institut ! — ne l’émeuvent pas ! Si M. le professeur Tirardel doute désormais de tout — depuis qu’on l’a traité de vieille baderne — M. le doyen, lui, est resté ferme dans sa foi. Il connaît les limites du progrès ! Il les a apprises dans les livres qui ont formé l’esprit de sa génération, livres pleins d’apophtegmes sauveurs grâce auxquels on n’a pas à craindre le libre jeu de l’imagination. L’hypothèse y a ses règles qu’elle ne saurait franchir sans tomber dans la farce.

M. Ditte n’a pas prononcé : « Monsieur le professeur Thuillier est un farceur ! » mais tout le monde a compris.

Il s’assied, satisfait, au milieu d’une nouvelle tempête.

M. Thuillier, qui ne fait pas partie de l’institut, ne