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GASTON LEROUX

qui retenait par la tignasse le nain Sing-Sing, lequel poussait des cris de ouistiti…

Sing-Sing ne cria pas longtemps ; au-dessus d’une bassine d’or, Sangor le souleva, toujours par les cheveux…

Sing-Sing gigotait de la façon la plus comique… mais personne ne riait…

Saïb Khan prononça encore la phrase sacramentelle : « Le gage est-il bon ? » Et tous répondirent comme il convient à un Thug qui donne le signal de l’exécution : « Boujna kee Pawn Dee » « Livrez le gage du fils de ma sœur », paroles bien honorables pour un Sing-Sing !…

Aussitôt Sangor poignarda Sing-Sing, en moins de temps qu’il faut pour l’écrire, ce qui était de toute nécessité pour prévenir toute résurrection, du moment qu’on ne pouvait lui faire l’honneur de lui couper la tête… (réservé aux vampires nobles…)

Pendant cette fin de cérémonie atroce, le marquis, bon enfant, avait conseillé à Christine de ne point regarder… mais elle préféra voir la mort de Sing-Sing plutôt que d’assister au spectacle de cette face qui se penchait sur sa blessure à peine refermée, comme elle l’avait vue se pencher un jour sur le pauvre corps épuisé de Bessie, et lui donner le baiser qui tue…

N’aurait-elle point mieux fait, cependant, de fermer les yeux !… Mais elle n’avait plus la force de fermer les yeux !… Quand on est aux portes de la mort, ne faut-il pas le secours des vivants pour vous clore les paupières ?…

C’est une aide que lui eût refusé le marquis, qui puisait une joie surhumaine dans ce regard d’agonisante, tandis qu’il lui murmurait :

— Comme je t’aime, Christine !… Comme je t’ai toujours aimée !…