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GASTON LEROUX

d’autres richesses que ses tapis sur les dalles et sur les murs, mais ils étaient d’une incomparable beauté.

D’où venaient-ils, de Perse, de Chine, ou avaient-ils traversé les siècles pour attester l’œuvre antique de l’Inde au temps de sa plus haute civilisation ?… C’étaient des tissus de soie à gros grains serrés, où les tons fauves du fond prenaient l’aspect de l’or ; les rouges avaient encore une intensité éblouissante et chaude comme le sang le plus pur jailli de la veine vermeille… Les riches ornementations à fleurs, arabesques, palmes, rosaces acquéraient une valeur rivale des plus beaux veloutés de laine… D’autres offraient des images symétriques et des ornements comme les Chinois en employaient dans leurs compositions symboliques pour les tapis à prières.

Des lits bas, sorte de cubiculi, où s’entassaient des peaux de bêtes sauvages, dépouilles de la jungle, faisaient le tour de la salle, occupés par les formes allongées et immobiles des invités de cette fête renouvelée des mystères orientaux.

Des torchères éclairaient le spectacle de leurs flammes pâles aux couleurs d’argent…

Les invités et Christine, elle-même étendue comme les autres sur les toisons fauves, étaient vêtus d’une robe de soie noire aux arabesques d’or, mais ses chevilles et ses bras nus étaient chargés d’anneaux au travail précieux, qui lui semblaient si lourds qu’elle n’aurait jamais la force de les soulever…

Soudain, sur un signal frappé sur le gong, les danses cessèrent et les éphèbes de bronze, peu vêtus à la vérité, qui entremêlaient leurs pas nus selon les rythmes millénaires, s’avancèrent en groupes ordonnés vers le fond de la salle, s’allongèrent sur les tapis, puis se dressèrent à nouveau et se retirèrent en silence… Un silence, un grand silence…

Le regard de Christine était allé vers le fond de la salle où s’était prosternée l’adoration des éphèbes.