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LA MACHINE À ASSASSINER
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Masson, si bien que ceux mêmes qui, malgré tant de témoignages, ne croyaient pas à la poupée, ne cachaient pas leur angoisse devant le problème qui s’imposait à tous, d’une innocence possible…

« Aujourd’hui, nous pouvons rassurer tout le monde : Bénédict Masson était bien coupable, mais — et c’est là l’élément nouveau, formidable, que nous avons annoncé et sans lequel le crime (c’est-à-dire tous les forfaits imputés au sauvage de Corbillères) restait inconcevable dans sa liaison et dans ses proportions — mais, affirmons-nous, Bénédict Masson m’était point le seul coupable !…

« Ce monstre n’était peut-être, après tout, que l’instrument d’une bande (écrivons plutôt d’une secte) qui a fait de l’assassinat une sorte de religion !…

« L’enquête personnelle à laquelle nous nous sommes livré, malgré des difficultés et des dangers sans nombre, est maintenant assez avancée pour que nous puissions prendre sur nous de déclarer que, dans les environs mêmes de Corbillères, non loin de la petite maison du sinistre Robinson qui avait été sans doute posté là en sentinelle avancée, une société (parmi les membres de laquelle nous pourrions relever des noms célèbres dans toute l’Europe et hors de l’Europe) avait installé ses sanglants pénates !

« Que de telles choses soient possibles à notre époque, il faut, pour le comprendre, remonter le cours des âges et diriger nos yeux vers l’Orient, d’où ces chevaliers du crime nous sont venus montés sur leur nef hideuse dont les voiles rouges se gonflaient au souffle du Bacchus indien !…

« Déjà la vieille Europe effrayée avait entendu parler de cette association d’assassins, fraternité immense, répandue sur tous les points de l’Hindoustan ; redoutée des autorités, conforme aux coutumes ; consacrée par la religion et fondée sur des principes philosophiques. Longtemps on n’eut sur elle que des renseignements