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GASTON LEROUX

Elle parlait à Gabriel…

Jacques ne les voyait encore ni l’un ni l’autre, mais tous deux devaient se tenir à une fenêtre d’où ils découvraient le cirque prodigieux des Alpes éclairées par les feux du soleil couchant.

Pendant plusieurs heures, les cimes étaient restées enveloppées de brouillards opaques où on les devinait à peine, dans un chaos gris et humide, puis, tout à coup, comme par une sorte de fiat lux, occasionné par un de ces brusques coups de vent qui sont si fréquents dans les Alpes, le rideau des nuages avait été soulevé, déchiré, et toute l’ordonnance des montagnes, vallées, plateaux, apparaissait comme toute frémissante de la primitive fournaise…

La voix s’était tue…

Peu à peu les cendres violettes du soir vinrent apaiser cette flamme… et la lune apparut sur son char d’argent.

La voix de Christine s’éleva à nouveau.

— Comme c’est beau ! comme c’est beau ! Oui, tu as raison, mon chéri, tout est beau maintenant !…

Elle le tutoyait… elle lui prodiguait les plus doux noms… et l’autre trouvait que tout était beau maintenant !

Elle attestait aussi, cette phrase, que les deux jeunes gens communiquaient, malgré le mutisme de la poupée, avec une facilité qui avait été prévue !… Car Jacques n’avait rien oublié, autant que possible… N’avait-il pas fait apprendre à Christine le langage des sourds-muets, pour qu’elle l’enseignât à son tour à la poupée, ce qui, avec le truchement des petits papiers, devait permettre une conversation de plus en plus rapide entre l’automate et ses créateurs ?…

Maintenant, la poupée ne devait plus avoir besoin de petits papiers !…