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LA MACHINE À ASSASSINER
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n’avait pas cessé de tomber depuis le matin. Et puis, nous avons bien reconnu sa voix.

— En vérité, fit Jacques qui, malgré lui, était légèrement ému. Elle a parlé ?

— Si elle a parlé ! Voilà ce qu’elle nous a dit, et nous l’avons encore tous dans l’oreille : « C’est moi, père Achard ! Il fait bien froid cette nuit et j’ai peur, toute seule, sur les routes !… Voulez-vous me reconduire à mon tombeau ? »

« Ah ! je n’invente rien, je vous assure ! Nous étions incapables d’un mouvement et quasi changés en statues.

« Tout à coup, elle s’est mise à pousser un cri perçant, comme un vrai oiseau de nuit… et elle s’est sauvée !… Nous avons vu son fantôme disparaître au coin de la route, poursuivi par un autre fantôme !… Les fantômes d’empouses, la nuit, ça doit se courir après… est-ce qu’on sait ?… Moi, je suis tombé raide sur le plancher… Bridaille, qui a toujours eu de la religion, était à genoux, plus ému qu’une nonnain qui vient d’entrevoir l’enfer… C’est Verdeil qui a encore eu la force de refermer la fenêtre…

« Ils ont couché de nouveau cette nuit-là à l’auberge et le lendemain matin ils sont rentrés chez eux… Mais nous étions tous les trois si malades qu’il a fallu aller chercher le docteur… Comme un fait exprès, il était absent !… Oui, paraît qu’il était allé voir un client en Sologne !… Il n’est revenu que le soir… Il nous a trouvés bien bas… Nous lui avons raconté l’affaire… Il a dit tout de suite : « Je vois ce que c’est ! c’est le moral qui est affecté !… » Oui, monsieur !… Le docteur Moricet n’est pas le premier venu… c’est un homme qui connaît son affaire !… Eh bien, il nous a tous examinés… et depuis ce soir-là, nous avons tous la même maladie, qu’il dit : ça s’appelle un moral affecté !…

— Alors ! fit Jacques, il vous a ordonné à tous trois le même régime ?