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GASTON LEROUX

soudain répandu son voile sur ses yeux naguère aussi pétillants que le vin où ils retrouvaient la joie de vivre…

— Oui, monsieur !… oui ! fit-il d’une voix sourde, je l’ai revue !… et pas plus tard que la nuit même, tenez ! où « votre ancienne amie » est repassée par l’auberge… et je n’ai pas été le seul à la revoir !… et ceux qui l’ont revue en ont été aussi malades que moi !… Moi, j’en ai eu comme un coup de sang… Bridaille, le forgeron, en a conservé comme une maladie de cœur… Il n’a plus de force en rien… et il lui en faut dans son métier !… Verdeil, qui tient le garage au coin du pont, en a eu l’esprit si troublé qu’il prend, depuis, sa gauche pour sa droite, ce qui est, paraît-il, très dangereux pour conduire une automobile…

« C’est que, monsieur, ça n’a pas été, comme la première fois… où nous l’avions aperçue, nous autres, de si loin, qu’on a pu, depuis, nous raconter tout ce que l’on a voulu !… Ceux qui n’ont rien vu sont bien forts pour se ficher de nous !… Je regrette qu’ils n’aient pas été à notre place !… Tenez, monsieur, la dernière nuit dont je vous parle, c’était du reste le dernier mardi, nous étions dans la salle de billard : Bridaille, Verdeii et moi !… Nous venions de terminer la partie et chacun se disposait à aller retrouver son lit… Verdeil avait déjà allumé sa lanterne… mais le gaz était encore allumé au-dessus du billard… c’est vous dire si on y voyait clair dans la salle !… Tout d’un coup, on a frappé à la fenêtre…

« Tiens ! fit Bridaille, je parie que c’est ma femme qui vient me chercher !

« Et il ouvre la fenêtre…

« Alors, nous, tous les trois, nous poussons un cri et nous reculons ! Tout près de la fenêtre, à la toucher ! c’était l’empouse.

« Ah ! il n’y avait pas à s’y tromper ! C’était la marquise de Coulteray, aussi blanche que la neige qui