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GASTON LEROUX

M. Thibault, à peine remis de son émotion, se présenta ; l’agent le conduisit devant M. le commissaire.

Celui-ci paraissait de la plus méchante humeur du monde. Il jeta sur le prisonnier un regard à la Fouquier-Tinville :

— Vos nom, prénoms et qualités ?…

— Aurélien Thibault, rentier aux Batignolles.

— Il paraît, monsieur, si j’en crois le rapport de mon brigadier, que vous auriez été piqué ?…

— Erreur !… monsieur le commissaire, erreur !… j’ai pu penser, j’ai pu croire… mais maintenant je puis vous jurer… je vous jure que je n’ai pas été piqué !…

Alors le commissaire se leva. Il n’avait plus son regard à la Fouquier-Tinville. Le plus aimable sourire s’épanouissait sur sa lèvre en fleur…

— Je crois, mon cher monsieur Aurélien, que vous avez compris ?

— Oui, monsieur le commissaire, j’ai compris !…

— Vous êtes un homme remarquablement intelligent mon cher monsieur Aurélien. Permettez-moi de vous serrer la main !

— Trop aimable, monsieur le commissaire !… Et maintenant, je puis me retirer ?…

— Non ! monsieur Aurélien, non !… Nous vous garderons encore vingt-quatre heures !… Un homme intelligent comme vous comprendra que, pour que les autres comprennent, eux aussi, nous sommes dans la nécessité de vous garder encore vingt-quatre heures !… Quand les autres sauront qu’il en coûte vingt-quatre heures de boîte pour avoir été piqué ou pour croire que l’on a été piqué, personne ne le sera plus !…

M. Thibault ne protesta point. Il ne croyait plus à la justice de son pays, il ne croyait plus à rien de ce qui