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LA MACHINE À ASSASSINER
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C’est alors qu’une autre voyageuse déclara avoir aperçu quelques instants auparavant, sur la plate-forme, un individu d’aspect singulier, dont le col du pardessus était relevé sur un visage aussi impassible et aussi dur que celui d’une statue… Enfin cet individu semblait avoir la main refermée sur un instrument d’acier…

Il n’en fallait pas tant !…

— C’est la poupée sanglante !… C’est la poupée sanglante ! s’écrièrent vingt voix.

— Et où est-il descendu ?… demanda l’agent.

— Quand madame a crié, instinctivement, j’ai tourné la tête… Il n’était plus là !… Mais je l’ai aperçu sur le trottoir qui courait dans la direction du boulevard !… Un grand pardessus noir lui descendait jusqu’aux talons !… Son chapeau de feutre marron était enfoncé jusqu’aux oreilles !…

L’autobus s’était arrêté… l’agent s’élançait déjà dans la direction indiquée… dix autres voyageurs sautèrent de l’autobus, derrière lui… Toute cette troupe courait bousculant tout sur son passage et entraînant dans son sillage tous les badauds !…

— Qu’y a-t-il ?… Qu’y a-t-il ?…

— La poupée sanglante ! la poupée sanglante !…

Et l’on courait !…

Après quelques tribulations, hésitations, puis reprise éperdue de la course provoquée par quelque flâneur qui, après s’être renseigné sur la cause de tout cet émoi, affirmait soudain « l’avoir vu passer !… » toute la troupe arriva devant le musée Fralin dont la porte était grande ouverte sur une voûte plongée dans une demi-obscurité… Qui ne connaît le musée Fralin ? Il a été l’étonnement de notre enfance et la joie de notre âge mûr… Avec le tombeau de l’Empereur, le Panthéon et la Tour Eiffel, il constitue pour les touristes de la province et de l’étranger une de ces étapes d’où l’on revient chez soi planter ses