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LA MACHINE À ASSASSINER
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armée du même instrument fatal que Bénédict Masson ! Voilà qui vient corroborer singulièrement l’opinion du professeur Thuillier !… Le jour n’est peut-être pas loin où nous retrouverons les cadavres de Christine Norbert et du prosecteur, marqués du même sceau : de cette petite tache funeste qui signale le passage du monstre !

« Et maintenant, continuait l’Époque, comment le pistolet à trocart se trouvait-il entre ces deux marches ?… De toute évidence, il a été perdu à cet endroit, sinon le redoutable Gabriel l’aurait encore sur lui !… Mais il y a, hélas ! une autre hypothèse qui paraît déjà aux inspecteurs de la Sûreté la plus vraisemblable, c’est que Bénédict Masson possédait chez lui, dans un endroit insoupçonné, plusieurs de ces armes singulières, et que celle-ci n’était pas nécessaire à la poupée pour continuer son œuvre de mort !… Le pistolet à trocart que l’on a trouvé a pu être perdu par Bénédict Masson lui-même avant la découverte de ses crimes, mais la poupée n’est pas désarmée !… »

Un frisson passa sur Paris. La poupée pouvait piquer à distance ! et on ne pouvait plus lui résister !… Voilà maintenant où menait la science ! trop de science !… Il y eut, dans les journaux les plus graves, des « premiers-Paris » où l’on déplorait le temps des diligences et des voleurs de grand chemin !… Au moins on pouvait prendre ses précautions et l’on savait ce qu’on risquait !… Mais allez donc vous garer des mauvais desseins d’un monsieur qui, habillé comme vous et moi, et doué d’une figure honnête, a dans la poche de son pardessus un petit pistolet à trocart !…

Perdu dans la foule, il vous atteindra et vous ne saurez pas ce qui vous arrive !… Vous vous dites : « Tiens, je me sens piqué ! » Vous n’y attachez pas d’importance, vous prenez le chemin du retour… vous vous sentez un peu étourdi !… Un inconnu s’approche de vous pour vous porter secours… Vous êtes mort !… dévalisé !… étranglé !… est-ce qu’on sait ?… Est-ce qu’on sait au