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LA MACHINE À ASSASSINER
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fait partie des collections du Conservatoire des arts et métiers. À la fin du dernier siècle, Frédéric de Knauss exposa à Vienne un Androïde écrivain, qui existe toujours. Je pourrais encore vous citer d’autres exemples plus récents, mais je m’arrête ici. C’est assez pour vous faire comprendre jusqu’où l’art de la mécanique peut aller quand elle se donne pour but d’imiter le mouvement humain…

« Mais, pour les faire agir, il fallait remonter ces machines. Le coup de génie du vieux Norbert a été de faire intervenir l’électricité, de manière que, pour diriger son automate, il n’était besoin que de lui parler !

« Imaginez qu’il avait disposé dans la conque de chaque oreille de Gabriel, une sorte de pellicule très sensible, garnie en son centre d’une aiguille qui venait prendre contact avec un appareil électrique, lequel déterminait tel ou tel mouvement, selon que l’aiguille prolongeait plus ou moins le contact, c’est-à-dire selon qu’en parlant à l’automate plus ou moins fort ou plus ou moins longtemps, suivant qu’on lui adressait certains mots ou certaines phrases, à l’oreille gauche ou à l’oreille droite… En somme, quand on parlait à Gabriel, on lui téléphonait et Gabriel obéissait !…

« Si perfectionné que fût déjà son automate, le bonhomme Norbert était loin d’en être satisfait. Quant à sa fille, elle en était un peu folle. C’est elle qui lui avait donné ses belles formes, son radieux visage : c’est elle qui avait habillé cette poupée avec une coquetterie toute romantique… Elle l’aimait un peu comme une mère et aussi comme une amante… Cette figure idéale, elle l’adorait, comme on aime son rêve…

« Le malheur fut qu’elle s’amusait trop avec cette mécanique comme une petite fille avec sa poupée… Le vieux Norbert s’aperçut un jour qu’il y avait quelque chose de détraqué dans son automate et à cause de sa fille… Celle-ci lui promit de n’y plus toucher que devant