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GASTON LEROUX

— L’horloger m’a dit qu’il l’a laissé là-bas, en proie au plus grand désespoir, car cet homme aime Christine Norbert au moins autant que la poupée, du reste !…

— Autant que la poupée !…

— Je veux dire autant que Bénédict Masson l’aime lui-même !…

— Lebouc ! mon ami Lebouc, si vous voulez que je ne devienne pas fou sur-le-champ, sautez dans une auto, courez à Corbillères et ramenez-moi le prosecteur coûte que coûte, de gré ou de force !

— Bien, monsieur ! je vous rappelle que l’horloger, qui est retourné à son domicile de l’Île-Saint-Louis en attendant vos ordres, doit revenir ici ce soir à six heures.

— Ce soir, à six heures !… Ne vous en occupez pas !… je vais le faire chercher tout de suite !… Allez, Lebouc !… ah ! surtout ! pas un mot de tout ceci !…

— Entendu, monsieur le directeur ! vous pensez bien !…

— Pas une ligne dans les journaux avant que j’aie éclairci cette affaire !…

— Monsieur le directeur peut compter sur ma discrétion !…

« L’Émissaire » s’en alla… M. Bessières, qui suait à grosses gouttes, se laissa tomber dans son fauteuil, les membres ballants, la tête inclinée sur l’épaule, les yeux ronds roulant dans leurs orbites avec cet air fatal, désespéré et stupide qu’a le bœuf à l’abattoir, après le premier coup de maillet qui ne l’a point tout à fait privé de vie… mais qui déjà l’a conduit aux portes du néant…