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THÉOPHRASTE MANQUE UN BROCHET

tutoyait Adolphe. Le formidable secret les avait encore rapprochés.)

— Je suis allé aux sources. J’ai vu les pièces authentiques. Je vais te dire ce que je sais. Si je me trompe, tu m’avertiras.

Théophraste jeta la boulette de glaise dans la Marne et dit :

— Va toujours. Il faut bien que je me fasse une raison.

— D’abord, fit Adolphe, tu es né au mois d’octobre 1693 et tu t’appelles Louis-Dominique Cartouche.

— C’est inutile, interrompit Théophraste, en tirant à lui sa « boutique » pleine de vérons, c’est inutile de crier que je m’appelle Cartouche. Personne n’a besoin de le savoir. Dans le pays, tu les connais, ils en feraient des gorges chaudes. Appelle-moi l’Enfant ; j’aime mieux cela et nul ne comprendra.

— Tu sais que Cartouche est ton vrai nom ; ce n’est pas un nom de guerre, insista Adolphe.

— Passons, passons ! C’est un vilain nom.

— On a raconté que tu as fait de solides études au collège de Clermont et que tu fus le condisciple de Voltaire. Mais c’est une légende, attendu que si tu sus lire par la suite, grâce à des Bohémiens qui t’enseignèrent la lecture, tu ne sus jamais écrire.

— Eh bien ! Elle est raide ! s’écria Théophraste.

— Tu savais écrire ?

— Parbleu ! si je n’avais pas su écrire, comment aurais-je rédigé le document dans le cachot de la Conciergerie ?

— C’est vrai. Lors de ton procès…

— J’ai donc eu un procès ?

— Et un fameux. Lors de ton procès, tu as déclaré ne pas savoir écrire. Tu signais tes dépositions d’une