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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

nuit dans cette chambre. Mais sur une petite table, dans un coin, la flamme tremblante d’une bougie éclairait uniquement un portrait.

C’était l’image d’un homme d’une trentaine d’années, à la figure énergique, au regard « flamboyant ». Il avait le front haut, le nez fort, le menton ras, la bouche grande, la moustache hirsute ; le cheveu nombreux était coiffé d’une toque de laine ou de feutre grossier, et l’habit paraissait d’un prisonnier. Sur le torse s’entr’ouvrait une chemise de grosse toile.

— Tiens ! fit Théophraste sans hausser le ton, comment mon portrait se trouve-t-il dans cette maison ?

— Votre portrait ! s’écria Adolphe. En êtes-vous bien sûr ?

Qui donc peut en être plus sûr que moi ? fit encore Théophraste sans s’émouvoir.

— Eh bien ! ce portrait, se décida à avouer M. Lecamus avec une émotion que nous n’essaierons pas de décrire… ce portrait, qui est votre portrait, est le portrait de Cartouche !!!

Quand M. Lecamus se retourna pour juger de l’effet qu’il avait produit sur son ami, il vit Théophraste étendu sur le parquet, évanoui. Longtemps, il lui tapa dans les mains, après avoir soufflé la bougie et ouvert la fenêtre. Quand Théophraste revint à lui, les premiers mots qu’il prononça furent ceux-ci :

— Adolphe, surtout ne le dites pas à ma femme !