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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

une anquilleuse. C’est honteux, à ton âge. Une anquilleuse est une personne de ton sexe, qui sait avec habileté cacher les objets dérobés entre ses jambes. Je n’ai jamais eu de meilleure anquilleuse que la Vache-à-Paniers.

— Mon pauvre enfant ! gémit Marceline.

Théophraste fut pris d’une colère terrible. Il se précipita vers sa femme et la menaça du tire-bouton.

— Tu sais bien ! tu sais bien que je ne veux plus qu’on m’appelle l’Enfant ! depuis la mort de Jeanneton-Vénus.

Marceline jura qu’elle ne recommencerait plus. Et elle se mit à regretter du plus profond de son âme l’heure funeste qui l’avait rendue propriétaire avec son époux d’un document qui lui promettait des trésors, mais qui lui apportait tout de suite, dans son ménage, le trouble, la peur, l’intolérance, la folie et l’inexplicable. Après Marie-Antoinette, Jeanneton-Vénus surgissait. Elle ne connaissait ni l’une ni l’autre, et ne les devait point connaître. Mais son mari avait une façon familière de s’exprimer sur le compte de ces dames qui pouvait faire croire qu’il était très bien renseigné. Enfin, les phrases inattendues dans la bouche de Théophraste, tout en lui faisant redouter le Théophraste incompréhensible d’il y a deux cents ans, lui faisaient surtout regretter le Théophraste si facile à comprendre de l’avant-veille. Elle se prenait à d’amères réflexions sur la théorie de la réincarnation.

Théophraste avait fini de s’habiller. Il se plaignit encore qu’on n’eût point fait une reprise nécessaire à la boutonnière de son gilet à fleurs. Puis il annonça qu’il ne déjeunerait pas à la maison, qu’il avait rendez-vous avec son ami Va-de-Bon-Cœur, au coin de la rue Mazarine et de la rue Guénégaud, pour faire un bon tour à un