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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

Dieu. Ensuite je me réveillais, et je dois vous dire que je n’en étais pas fâché.

Adolphe donna un grand coup de poing sur la table.

— C’est épouvantable ! s’écria-t-il d’une voix rauque, en regardant Théophraste.

— N’est-ce pas ? fit Marceline, toute frissonnante.

— Je viens de lire entièrement la première ligne du document et voilà ce qui est épouvantable ! continua-t-il à gémir. Hélas ! hélas ! je comprends maintenant !

— Et que comprends-tu ? fit Théophraste, effrayé, lui aussi, en suivant, du doigt d’Adolphe, les deux premières lignes du document.

— Ceci veut dire, affirma M. Lecamus : Moi, rt !… j’ai enfoui trésors. Vous entendez ! Moi, rt !… Et vous ne savez pas qui c’est, rt ? Eh bien ! je ne veux pas vous le dire avant d’en être tout à fait sûr. Et j’en serai sûr demain. Demain, Théophraste, soyez à deux heures à l’angle de la rue Guénégaud et de la rue Mazarine !… J’emporte ces objets chez mon ami Mifroid, qui les restituera, ajouta-t-il, et à qui il sera prouvé qu’il y a encore des pickpockets, même « avec » le commissaire. Adieu, mon ami ! Adieu ! Et du courage ! surtout du courage !

Et Adolphe serra la main de Théophraste comme on serre la main d’un parent de mort.

Théophraste ne dormit pas, cette nuit-là. Pendant que Marceline reposait paisiblement à ses côtés, il avait, lui, les yeux grands ouverts dans les ténèbres. Sa respiration était irrégulière et pleine de soupirs profonds. Une lourde anxiété s’était assise sur son cœur.

Le jour se leva sur la ville, un jour d’une tristesse blême et sale qui enveloppa sinistrement les choses. En vain le soleil d’été voulut-il pénétrer cette atmosphère fuligineuse et opaque. Midi qui voyait ordinairement