avait étalé le document devant lui. Il y eut un pesant silence. Adolphe hochait la tête et puis, délibérément, il la releva.
— Théophraste, ordonna-t-il, il faut tout me dire. Rêvez-vous quelquefois ?
— Si je rêve ? répéta notre ami, si je rêve ? C’est bien possible ; mais comme mes digestions sont excellentes, je ne me rappelle guère avoir rêvé.
— Jamais ? insista Adolphe.
— Oh ! jamais, c’est trop dire. Ainsi, il me souvient d’avoir rêvé quatre ou cinq fois dans ma vie, en effet. Il m’en souvient peut-être parce que je me réveillais chaque fois au milieu de mon rêve et que c’était toujours le même rêve. Mais de quel intérêt cela peut-il être dans le cas qui nous occupe, mon cher ami ?
Adolphe continua :
— Les rêves n’ont jamais été expliqués par la science ; celle-ci croit avoir tout dit en les attribuant à un effet de l’imagination, mais elle ne nous donne pas la raison de ces visions si claires et si nettes qui nous apparaissent quelquefois. Ainsi explique-t-elle une chose qui n’est pas connue par une autre qui ne l’est pas davantage. La question reste donc tout entière. C’est, dit-on, les souvenirs des préoccupations de la veille que nous rêvons ; mais en admettant même cette solution qui n’en est pas une, il resterait encore à savoir quel est ce miroir magique qui conserve ainsi l’empreinte des choses ? En outre, comment expliquer les visions des choses réelles que l’on n’a jamais vues à l’état de veille et auxquelles même on n’a jamais pensé ! Qui pourrait affirmer que ce ne sont point là des visions rétrospectives des événements passés avant la vie ?
— En vérité, mon cher Adolphe, répliqua Théophraste avec une grande douceur, je dois vous avouer que