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LE PORTRAIT

— Et qu’est-ce que tu veux que j’en fasse ? répliqua Théophraste, qui se remettait peu à peu. Tu ne penses pas que je vais le garder ? Est-ce que j’ai l’habitude de garder ce qui ne m’appartient pas ? Je suis un honnête homme et je n’ai jamais fait de tort à personne. Tu vas prendre tout cela et le porter chez ton ami le commissaire de police Mifroid. Il lui sera facile de retrouver les propriétaires.

— Et qu’est-ce que je lui dirai ?

— Ce que tu voudras ! éclata Théophraste qui commençait à s’impatienter. Est-ce que l’honnête cocher qui trouve une serviette et cinquante mille francs dans sa voiture, et qui les porte au commissariat, se préoccupe de ce qu’il dira ? Il dit : J’ai trouvé ceci dans ma voiture ! et cela suffit. On lui donne même une récompense. Toi, tu diras : mon ami Longuet me charge de vous rapporter ces objets qu’il a trouvés dans ses poches et il ne demande pas de récompense !

Depuis un instant, Marceline avait placé sous la table son pied sur le pied d’Adolphe. Du reste, c’était là, le plus souvent, quand il y avait table entre eux, que l’on pouvait trouver le pied de Marceline. Il ne faut point l’en blâmer. Songez que sa tendresse pour son mari pouvait librement s’exprimer ; il lui était loisible, devant tout le monde, de l’embrasser, de le caresser, de l’appeler « mon Théo ! » et de l’entourer de ces mille petites attentions qui, venant d’une femme, surtout de la sienne, flattent infiniment le cœur et la vanité si naturelle d’un époux. Mais si quelque démonstration de sympathie un peu osée lui eût échappé en public à l’adresse d’Adolphe Lecamus, on n’eût point manqué de dire que Théophraste était trompé par son meilleur ami.

Elle, Marceline, eût été compromise, Théophraste