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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

tait tu. Tout le monde était encore sous l’impression de ses discours. Cependant, on ne demandait qu’à s’amuser.

C’est alors que Marceline se tourna vers Théophraste et le pria de chanter cette chanson qu’il avait coutume de faire entendre au dessert, à chaque anniversaire de leur mariage. Il l’avait chantée le jour même des noces et elle avait eu, à cause de sa grâce et de sa fraîcheur, un succès général. C’était la Lisette de Béranger.

Mais quelle fut la stupéfaction de Marceline et de tous les convives, quand ils virent Théophraste se lever, jeter sa serviette sur la table et dire à la maîtresse de céans :

— Comme tu voudras, Marie-Antoinette ! Je n’ai rien à te refuser.

— Oh ! mon Dieu ! s’écria Marceline. Il m’appelle Marie-Antoinette, et voilà que sa voix le reprend !

Mais les convives n’étaient pas revenus de cette légère algarade que Théophraste, d’une voix éclatante, d’une voix que les autres ne lui connaissaient pas, de sa voix de la Conciergerie, chantait…

Et quelle chanson ! Pour se rendre compte de l’effet qu’elle produisit, il faut se représenter qu’il y avait ce soir-là, chez Théophraste, la société la plus choisie de Crécy-en-Brie à Lagny-Thorigny-Pomponne.

Il la chanta sur un vieil air français :


Ton joli, belle meunière,
Ton joli moulin.