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QUI SE TERMINE PAR UNE CHANSON

Prétendre que ce désir doit rester sans réalisation, c’est admettre que Dieu puisse nous tromper. Il faut donc reconnaître que nous avons vécu déjà avant d’être ce que nous sommes, et plusieurs autres vies nous attendent. Toutes ces vies — ajoute Fourier avec une précision dont on ne saurait trop lui savoir gré, — au nombre de huit cent dix, sont distribuées entre cinq périodes d’inégale étendue et embrassent une durée de quatre-vingt-un mille ans. »

— Mâtin ! Quatre-vingt-un mille ans ! interrompit M. Lopard ; ce n’est pas de la crotte de bique !

— Nous en passerons, expliqua Adolphe, vingt-sept mille sur notre planète et cinquante-quatre mille ailleurs.

— Au bout de combien de temps revient-on dans un autre corps ? demanda Mme Bache.

— Il faut compter environ deux ou trois mille ans au minimum, s’il faut en croire Allan Kardec. À moins que nous ne soyons décédés de mort violente. Alors, surtout si on a succombé au dernier supplice, on peut être réincarné au bout de deux cents ans.

Théophraste pensait :

— C’est bien cela. Ils m’auront pendu, ou si je ne suis pas passé par le gibet, ils se seront débarrassés de moi par quelque autre supplice plus en rapport avec ma première naissance. Tout de même, songeait-il avec un juste orgueil, si tous ces gens qui m’entourent savaient à qui ils ont affaire — à un prince du sang peut-être, à un bâtard du Régent, je n’ose encore l’affirmer — ils seraient bien étonnés et frappés de respect. Mais non, ils se disent : « C’est Théophraste Longuet, fabricant de timbres en caoutchouc », et cela leur suffit.

On venait d’apporter le champagne. Le premier bouchon fit entendre son explosion joyeuse. Adolphe s’é-