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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

— Oui, oui, lui fut-il répondu de toutes parts.

— D’ailleurs, continue Platon, rien ne pouvant naître de rien, si les êtres que nous voyons mourir ne devaient jamais revenir à la vie, tout finirait par s’absorber dans la mort, et la nature deviendrait un jour semblable à Endymion ! Vous avez compris la première preuve ?

— La seconde ! réclamèrent les convives, qui n’avaient rien compris du tout et qui oncques n’avaient entendu parler d’Endymion, lequel, pour avoir trop apprécié les charmes de Junon, dormait, aux grottes de Latmos, son éternel sommeil.

— Deuxièmement, obtempéra Adolphe, si après avoir consulté les lois générales de l’univers, nous descendons au fond de notre âme, nous y trouverons le même dogme attesté par le fait de la réminiscence ! « Apprendre, crie Platon à l’univers, apprendre, ce n’est pas autre chose que se souvenir. » Puisque notre âme apprend, c’est qu’elle se souvient ; elle se souvient de quoi, sinon d’avoir vécu ? Et d’avoir vécu dans un autre corps ? Pourquoi ne croirions-nous pas qu’en quittant le corps qu’elle anime à cette heure, elle en pourra animer successivement plusieurs autres ? Et je cite textuellement Platon ! remarqua encore Adolphe.

Théophraste, qui se sentait depuis quelques moments une étrange chaleur au cœur et à la cervelle, crut devoir ajouter :

— Et vous savez, messieurs et mesdames, Platon, c’était quelqu’un !

Adolphe regarda Marceline en souriant de la réflexion inutile de Théophraste. Puis il passa de Platon à un auteur plus moderne.

— Charles Fourier a dit : « Où est le vieillard qui ne voulût être sûr de renaître et de rapporter dans une autre vie l’expérience qu’il a acquise dans celle-ci ?