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QUI SE TERMINE PAR UNE CHANSON

gavait et que l’amorce finissait par nuire à l’appât. Une discussion s’engagea sur le mode d’appât qu’il convenait d’employer en cette partie de l’année. Enfin, tout le monde fut d’accord pour constater que le poisson diminuait « dans des proportions effrayantes ».

Théophraste ne disait rien. Il trouvait ces bonnes gens trop bourgeois. Il eût voulu relever le niveau de la conversation. Il eût voulu aussi que cette conversation répondît aux préoccupations brûlantes de son esprit.

Il sut, par un habile artifice, comme le soir tombait et que le dîner touchait à sa fin, amener son ami Adolphe à émettre quelques aphorismes sur les revenants ; des revenants, on s’en fut vers le peresprit. Une dame du voisinage, qui connaissait une somnambule, rapporta des faits étranges qui eurent le don de captiver l’imagination de la compagnie. Adolphe, là-dessus, expliqua, à la mode spirite, les phénomènes du somnambulisme et cita Allan Kardec. Adolphe n’était jamais embarrassé pour expliquer ces phénomènes. Enfin, on en arriva à ce point désiré par Théophraste : à la transmigration des âmes et à la métempsycose.

— Est-il possible, demanda Marceline, qu’une âme revienne habiter un corps ? Vous me l’avez souvent affirmé, Adolphe, mon ami, mais il me semble que notre raison repousse avec force une pareille hypothèse.

— Rien ne se perd dans la nature, répondit Adolphe avec autorité, ni les âmes ni les corps. Tout se transforme, les âmes comme des corps. La réincarnation des âmes dans le but d’une purification nécessaire est un dogme qui remonte à la plus haute antiquité et que les sages de tous les temps se gardent de nier.

— Si on revenait dans un corps, dit Marceline, on le saurait.

— Pas toujours, fit Adolphe, mais quelquefois.