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QUI SE TERMINE PAR UNE CHANSON

il n’admettait pas une seconde qu’il eût pu être enfermé, même sous Louis XV, lui, Théophraste, pour un crime de droit commun.

Dans un moment solennel, peut-être avant de marcher au supplice, il avait rédigé le document qui était, à cette heure, en sa possession. Il avait caché le papier entre deux pierres de son cachot et, repassant par là, deux siècles plus tard, il l’y avait retrouvé. C’était simple. Ceci ne résultait point de quelque divagation surnaturelle, mais des faits eux-mêmes, qui ne pouvaient s’expliquer logiquement que de cette sorte et aussi de l’aspect du papier qui portait l’empreinte de son écriture.

Théophraste se remit, en secret, en face du document.

Certains mots du document prenaient dans son esprit une importance toute naturelle. C’étaient les mots : trésors et trahison du 1er avril.

Et il ne désespérait point avec ces mots de reconstituer sa personnalité. D’abord, il avait été riche et puissant. Les mots enf ui trésors signifiaient bien que l’homme qui avait écrit ces lignes avait été riche, puisqu’il avait enfoui des trésors. Il avait été puissant, puisqu’il avait été trahi. Dans son esprit même, cette trahison devait être une trahison mémorable, peut-être une trahison historique, trahison du 1er avril.

Oui, oui, toutes les bizarreries et tous les mystères de ce papier laissaient au moins entrevoir avec certitude ceci : qu’il avait été un grand personnage et qu’il avait enfoui des trésors.

Après les avoir enfouis très mystérieusement, plus mystérieusement encore il en révélait l’existence au prix de quelle astuce ! Peut-être au prix de son sang. Car enfin ces mots de teinte roussâtre avaient sans