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QUI SE TERMINE PAR UNE CHANSON

Théophraste s’assit sur une chaise de paille, dans une petite pièce qui servait d’atelier et qu’éclairait une grande vitre poussiéreuse au plafond.

Théophraste dit :

— Ambroise, tu es un savant.

Ambroise protesta.

— Oui, oui, tu es un savant. Personne ne t’en remontrerait sur le papier.

— Ça, c’est vrai ; le papier, ça me connaît.

— Tu connais tous les papiers ?

— Tous.

— Si on te présentait un papier, tu pourrais dire l’âge qu’il a ?

— Oui, fit Ambroise ; j’ai publié une étude sur les filigranes des papiers employés en France au dix-septième et au dix-huitième siècle. Cette étude a été couronnée par l’Académie.

— Je le sais, et j’ai confiance dans ta science du papier.

— Tu le peux. Du reste, la chose est simple. Les plus vieux papiers ont d’abord présenté, dès leur jeunesse, une surface plane et lisse ; mais bientôt y apparurent des vergures, coupées à intervalles réguliers par des lignes perpendiculaires, les unes et les autres reproduisant l’empreinte du treillis métallique sur lequel la pâte avait été étalée. Dès le quatorzième siècle, on eut l’idée d’utiliser cette reproduction en lui faisant une marque de provenance ou de fabrique. Dans ce but, sur le treillis des formes, on broda en fil de laiton, des initiales, des mots, des emblèmes de toutes sortes : ce sont les filigranes. Toute feuille de papier filigranée porte en elle-même son acte de naissance ; mais le difficile est de le déchiffrer. Il faut un peu d’habitude : le pot, l’aigle, la cloche…