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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

ner au fond des siècles, permets-moi de m’agenouiller pieusement, ô martyr de la tare héréditaire, sur l’humble descente de lit qu’arrose de ses larmes le bon Ambroise…

— Je pardonne à M. Lecamus, dis-tu dans le plus funèbre des sourires. Quand je serai mort, tu l’iras chercher et tu lui apprendras que je l’ai nommé mon exécuteur testamentaire. Ce sera mon châtiment. Je lui lègue tous mes biens. Il saura ce qu’il doit faire de ce coffret en bois des îles que tu vois à mon chevet, et où j’ai renfermé le formidable secret des derniers mois de ma triste vie.

Ayant dit ces mots, Théophraste se souleva sur ses oreillers, car l’oppression le gagnait et il savait qu’il allait mourir… Son regard n’était plus de ce monde… Son regard semblait considérer des choses, à travers les murs, et sa voix douloureuse dit encore :

— J’ai vu… je vois… Je retourne vers le rayon carré que le soleil a oublié dans les caves de la Conciergerie depuis le commencement de l’Histoire de France.

Et il expira…

Ambroise pleure, pleure, car il ne sait pas que cet homme, qui vient d’expirer, n’est pas mort !…

Certes, il est des gens, très bien renseignés, paraît-il, qui disent que lorsqu’on est mort, on est mort ! Ils en sont sûrs !… Félicitations ! Félicitations ! Je ne les contredirai pas aujourd’hui, parce que je suis très fatigué… Mais nous en reparlerons demain au fond des tombeaux !


FIN


émile colin, imprimerie de lagny (s.-&-m.)