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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

ferais-tu plus longtemps dans ce jardin ? Si tu as vu ton ami, M. Lecamus, déposer un brûlant baiser sur les lèvres amoureuses de Marceline, quoi d’étonnant à cela ?… Puisqu’on te croit mort ?… M. Lecamus console Marceline de ta mort et ta mort est une chose si douloureuse, au cœur de Marceline, qu’il faudra bien des baisers encore, très brûlants, pour que Marceline t’oublie… Vas-tu point en vouloir à M. Lecamus de ce qu’il se dévoue à cette tâche du bonheur de Marceline ?…

… Là, tu pleures… tu es assis par terre, dans le jardin… et tu pleures, tu pleures… Va-t’en ! oh ! va-t’en !…

Malheureux, après avoir vu, tu veux entendre ! Et tu t’es relevé et tu as encore allongé la tête et tu as écouté. Tu as entendu M. Lecamus qui disait :

Moi je le regrette !

Et tu as dit alors merci de bon cœur à ton ami fidèle, jusqu’au moment où il a achevé sa phrase :

— … Je le regrette parce que tu étais plus gentille de son temps !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

… À travers champs, maintenant, Théophraste fuit, fuit, fuit… il fuit le crime qui l’appelle.

Et peut-être aurait-il fui si loin, si loin qu’il aurait été trop tard pour le crime, mais sa chemise se mit tout à coup à lui brûler les chairs, et la souffrance horrible que lui procurait cette chemise le précipita dans la certitude qu’il ne pourrait se débarrasser de cette souffrance qu’en se débarrassant du crime. Et il court au crime !

Le grand malheur est qu’il n’eût point songé alors à se débarrasser de sa chemise.

Dans un état d’exaltation sanguinaire comparable à rien dans l’histoire des crimes — même si l’on se donne la peine de remonter aux crimes de la mythologie qui