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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

cheval et à soixante archers à pied… Toute cette troupe venait du Palais de Justice et, arrivé carrefour Buci, vous, le chef, mîtes pied à terre, parce que vous aviez soif et qu’avant la cérémonie vous vouliez vous désaltérer d’une pinte au cabaret tenu par la Tapedru…

» — Et quelle était cette cérémonie pour laquelle je venais du Palais de Justice, avec mes vingt archers à cheval et mes soixante archers à pied ?… (Je ne voulais point contrarier cet homme ; je ne demandais qu’à aller me coucher.)

» — Il s’agissait, monsieur le commissaire, de m’assigner par cri public, à quinzaine franche, pour l’assassinat de l’ouvrier Mondelot. Donc, en ce jour du 28 mars 1721, les huissiers, trompes, tambours, archers à pied et à cheval, en un cortège des plus imposants, sortirent du Palais de Justice, après avoir crié une première fois dans la cour de May, où tout s’était passé fort convenablement. Puis ils s’en furent tout d’une traite place de la Croix-Rouge, où le cri fut crié sans encombre ni maléfices, et revinrent ici, au carrefour Buci. Vous aviez avalé votre pinte, monsieur le commissaire, et vous vous disposiez à remonter sur votre cheval isabelle, quand survint cet événement mémorable. L’huissier, bien solennellement, lisait : « Au nom du roy, de par nos seigneurs du Parlement, il est ordonné au nommé Louis-Dominique Cartouche… » quand une voix retentit : « Présent ! Voilà Cartouche ! Qui est-ce qui demande Cartouche ? »… Sitôt, huissiers, archers à pied et à cheval, tambours et trompettes, tout le cortège se débande et fuit de toutes parts…

» Et M. Longuet ajouta :

» — Oui, il ne resta personne au carrefour Buci, personne que moi et le cheval isabelle, quand j’eus crié :

» — Je suis Cartouche !