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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

gnerait, dans l’espérance qu’elle aurait deux jumeaux.

» Je lui demandai encore quelle instruction ils recevaient ; elle me répondit que chez eux, l’instruction n’était pas obligatoire et qu’on ne donnait guère que de l’instruction de métier. Seuls, les jeunes gens qui se sentaient beaucoup d’imagination recevaient une instruction générale qui leur était donnée par d’illustres rêveurs qu’on rencontre tous les jours au coin des bornes publiques, ce qui permettait à ces jeunes gens de faire, par la suite, des vers immortels ; mais l’immense majorité des enfants s’amusaient à apprendre à être bottiers, ou maçons, ou tailleurs, et alors ils faisaient avec orgueil des chefs-d’œuvre de maisons, ou d’habits, ou de bottes.

» Tant de stupidité sociale me donnait des nausées. — Vous avez de la veine, dis-je, de n’être que vingt mille, car si vous étiez seulement trente millions, vous verriez ce qui resterait de votre désorganisation ! Vous seriez organisés au bout de huit jours !

» Elle me répondit qu’ils pouvaient être, au lieu de vingt mille Talpa, trois cent quatre-vingt-dix mille millions trois cent soixante-quatre Talpa, et même davantage, que cela ne modifierait en rien leur désorganisation ; qu’ils étaient désorganisés en îlots de quatre cents Talpa, et que chaque îlot avait une place publique où se traitaient les affaires publiques de l’îlot. Un îlot de plus ou de moins leur était parfaitement indifférent, quant à leur désorganisation. Et puis, elle ajouta que ces places publiques ne servaient à rien, en réalité, quant à la discussion des affaires publiques, parce que, en dehors de la question d’un pont à construire ou d’un égout (ce qui arrivait tous les deux cents ans), il n’y avait pas d’affaires publiques.

» Cette dernière parole me suffoqua à un point que