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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

» — Nennil !

» — Ni de gardien des lois !

» — Nennil !

» — Enfin, fis-je, furieux de cette mauvaise plaisanterie, il y a un État !

» — Nennil !

» — Vous, vous êtes l’État ?

» — Nennil ?

» — Vous avez des chefs qui sont l’État ?

» — Nennil !

» Je me pris la tête dans mes deux mains. Et je résolus de revenir à l’exemple palpable :

» — Mon ami n’a pas le droit de prendre ces chapeaux dans la boutique de ce chapelier.

» — Oïl !

» — Comment ! Il a le droit de prendre ces chapeaux ?

» — Oïl !

» — Ces chapeaux ne lui appartiennent pas !…

» — Oïl !

» — Alors, il peut prendre tous ces chapeaux ?

» — Oïl !

» J’étais cramoisi. Dame de Montfort se pencha vers moi et me confia que tous ces gens me demandaient ce que mon ami comptait faire de tous ses chapeaux ! Je lui dis qu’il comptait les vendre. Elle me répondit que, dans les livres sacrés, c’est-à-dire dans les vieilles légendes de son pays, on avait conservé la trace de ce que pouvait être autrefois l’achat et la vente, mais que, seules, les personnes très savantes comme elle pouvaient en avoir une idée. Chez les Talpa, me fit-elle, on ne vend pas, parce qu’on n’achète pas. Chacun prend ce qu’il a besoin de prendre. Et comme il n’a pas besoin de prendre dix chapeaux pour les mettre à la fois sur