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POUR LA FAIM FUTURE

des poils qui tâtent l’espace. Et ces bêtes qui ne voient pas, grâce à ces organes olfactifs et tactiles, si entièrement développés, connaissent l’espace autour d’eux aussi bien et peut-être mieux que s’ils voyaient dans la lumière[1] ! Oui, mon cher Théophraste, il y a des circonstances dans la vie des animaux où le nez remplace l’œil. Et ce nez peut acquérir ainsi des dimensions tout à fait incroyables. Dans le puits de Padirac, qui est dans le Lot, M. Armand Viré, qui est un savant, a trouvé un asellide à cent cinquante mètres de profondeur et à près d’un kilomètre de l’entrée du gouffre, qui possède des bâtonnets olfactifs d’une longueur tout à fait surprenante !

» — Est-ce qu’il n’y a, dans les eaux courantes des catacombes, que cet asellus aquaticus ? demanda Théophraste.

» — Que non point ! Il s’y trouve encore maintes autres sortes de poissons cavernicoles, tel par exemple le niphargus puteanus, et ce dernier en grande abondance.

» — Tant mieux ! s’écria Théophraste, tant mieux !

» — Les organes oculaires du niphargus puteanus sont également atrophiés…

» — Ceci m’est égal, fit encore M. Longuet, qui avait son idée. Savez-vous seulement comment on le pêche ?

» — Je ne saurais affirmer que les catacombes, fis-je, qui contiennent tant de centaines de mille d’ossements, puissent nous présenter, en cette occurrence, le secours d’un asticot.

» — Il n’importe ! s’écria Théophraste, un pêcheur à la ligne a plus d’un tour dans sa boutique, et le nommé puteanus n’a qu’à bien se tenir !

  1. Tout ceci a été démontré directement par les travaux de M. Milne-Edwards, dans son laboratoire des catacombes.